La Gaume est connue pour ses paysages bocagers et ses jolies maisons aux façades enduites.
Alors pourquoi vous montrer une façade en pierre ?
… Juste une relation antinomique entre l’enduit et la pierre, entre l’histoire et la mode !
A l’origine
Les maisons traditionnelles sont construites en pierre du pays, un grès calcaire jaune – ocre. Comme il est poreux, il résiste mal aux intempéries, d’où la nécessité pour les murs extérieurs d’être enduits et chaulés.
Toutes les façades ne sont pas pour autant blanches. Au contraire, des pigments naturels ajoutés au mélange les nuancent de tons doux : beige - ocre, rose - rouge, vert - bleu, … que viennent parfois contraster la vivacité d’une couleur de volets.
Voilà l’image typique de ces villages-rues si caractéristiques de la Gaume et la Lorraine française. Historiquement, les maisons en pierre apparente sont rares.
La contradiction
Pourtant, aujourd’hui, la pierre prévaut ... de plus en plus.
Deux raisons :
- la déshérence et/ou le manque d’entretien des bâtiments avec pour conséquence un décollement de l’enduit. La pierre refait surface.
- le décapage volontaire de la façade. C’est la situation la plus fréquemment rencontrée. Elle résulte d’une mode qui veut rendre aux bâtiments leur aspect supposé « naturel », une démarche que les puristes n’hésiteront pas à qualifier de « vandalisme historique ». Rendue possible par l’évolution des techniques et de l’outillage, elle a pris son essor au 20e siècle. Initialement très agressive, elle laboure littéralement les matériaux. Heureusement, l’évolution du matériel a permis de gagner en précision et en finesse.
De plus, le rejointoiement est trop souvent réalisé avec un mortier de type contemporain, c’est-à-dire sans chaux. Dans un mélange traditionnel, dit bâtard, ce matériau aux vertus multiples participe à la bonne tenue du mur :
- si besoin est (transformation, démolition, ...), la pierre peut être nettoyée facilement. Dans une maçonnerie considérée comme « réversible », la pierre est récupérée pour d’autres ouvrages. Ne serions-nous pas en économie circulaire ?
- la maçonnerie est à la fois souple et résistante, elle « travaille » suivant des sollicitations mécaniques et/ou thermiques (non excessives) tout en assurant une parfaite stabilité à l’ouvrage.
- le mur est dit « respirant » via ses joints qui favorisent le transfert de la vapeur d’eau. Le blocage de cet échange par le ciment nuit à la régulation naturelle car, si l’échange se réalise via la pierre, des problèmes de condensation associés à des cycles gel-dégel risquent de provoquer son éclatement.
L’absence de chaux dans le mélange destiné à la rénovation d’un bâtiment patrimonial produit une maçonnerie hybride dont le comportement mécanique et hygro-thermique est complètement modifié jusqu’à remettre en question la viabilité du mur à long terme.
Lors de la traversée des villages, que voit-on ?
Certains sont donc restés « dans leur jus ».
Dans d’autres, une mixité commence à apparaître et le nombre de façades mises à nu augmente avec le temps.
Il est des villages où la tendance a pris le pas. Leur visuel est désormais complètement modifié.
Faut-il s’en affoler ?
Peut-être !
Premier constat
Voici une situation assez exceptionnelle où le respect d’un habitat vernaculaire est totalement compatible avec la mise en œuvre des réglementations PEB et Q-Zen. La pose d’une isolation par l’extérieur peut n’avoir aucun impact visuel, au contraire de ce que nous avons déjà vu, avec des colombages de la pierre apparente, par exemple.
N’est pas fantastique ?
Deuxième constat
Alors que nous sommes sensés être culturellement avertis, force est de remarquer que la majorité des photos de « belles façades » prises lors d’une escapade gaumaise sont celles en pierre.
Oserions-nous croire à l’influence des opulentes jardinières ? Ou sommes-nous tombés, inconsciemment ou non, dans la marmite de la mode ? Le changement de texture, de couleur n’est pourtant pas anodin, ni historiquement, ni architecturalement.
Et vous, quelles façades auriez-vous photographiées ?
Sources :
- « Escale en Gaume, au coeur de notre petite provence », 27-29/08/2021, Défi Nature (www.defi-nature.be).
- « Chaux : retour aux fondamentaux », Stéphane Miget, 08/06/2021, www.atrium-patrimoine.com
Source des photos : © Veilleconstruction