En France, les passoires thermiques sont dans le viseur du législateur. En Belgique, et plus précisément en Wallonie parce que les réglementations diffèrent selon les régions, les loyers chauds ont fait leur apparition.
Dans les deux cas, les mesures se rapportent à la protection du locataire et une amélioration de la qualité énergétique des logements.
France
La loi a été promulguée le 08 novembre 2019. Elle est dite « Loi énergie et climat ». Elle traduit la volonté du Gouvernement français d’apporter une réponse aux problèmes écologiques et climatiques, en reconnaît l’urgence et ambitionne la neutralité carbone d’ici 2050.
Un de ses volets entame la lutte contre les passoires thermiques, des logements énergivores pour leur chauffage (et/ou leur climatisation). Leur mauvaise performance se reconnaît aux scores F et G qu’ils reçoivent lors d’un diagnostic de performance énergétique (DPE).
La mesure la plus récente est entrée en vigueur au 1er janvier 2021 et s’applique aux passoires situées dans des zones considérées comme tendues. Par « tendue », il faut entendre « une liste de communes urbaines de métropole où le marché immobilier est tendu aboutissant à des prix et des loyers élevés »1, comme Bordeaux, La Rochelle, Lille, Lyon, Nantes, Paris pour ne citer que quelques-unes des 28 agglomérations composants la liste.
Ouvrons une parenthèse - Un article du Figaro Immobilier fait état du souhait des jeunes de 20 à 35 ans (les milléniaux) de s’installer dans des villes qu’ils considèrent comme moins chères, moins polluées, plus vertes, plus sûres que Paris qui ne répond plus à leurs attentes. Leur Top 3 (Bordeaux, Aix-en-Provence et Lyon) fait partie des zones tendues. La suite de leur classement se calque parfaitement sur la liste. A l’exception de Paris qui caracole en haut du classement depuis des années (avec une baisse confirmée quand-même depuis la pandémie) et contrairement à leur croyance, ces villes se situent dans le peloton de tête des villes les plus chères de France. Quelle influence sur la tension auront les choix de vie de cette génération, une fois sortie de ses rêves ?
Pour ces logements (appartement ou maison) considérés comme des passoires thermiques, il est désormais interdit aux propriétaires d’augmenter le loyer entre deux locations et ce, même s’il est plus bas que celui de logements similaires environnants. Leur seule porte de sortie est la rénovation lourde.
2022, 2023, 2025, … 2028.
Les mesures vont s’enchaîner, devenant de plus en plus contraignantes. Ainsi, à moins d’être chauffé à l’électricité, la location des passoire thermiques en catégorie G sera interdite à partir du 1er janvier 2023, qu’il s’agisse d’un nouveau bail, d’un renouvellement tacite ou non. Le seuil a été fixé à 450Kwh/m²/an en énergie finale.
Le décret a été publié le 13 janvier 2021. Des zones d’ombre subsistent encore car les méthodes de calcul du DPE et la présentation des étiquettes vont être revues pour le rendre opposable et obligatoire. Des acteurs du secteur ont vivement réagi à la dérogation concernant le chauffage électrique, y compris dans le cadre de la RE2020. Les évolutions sont à surveiller bien que l’objectif final pour 2028 soit l’obligation de rénover énergétiquement ces logements considérés comme « indécents » ou de les supprimer du marché tant pour la vente que la location. Le bon sens prévaudra avec des dérogations pour les interventions complexes sur les bâtiments patrimoniaux ou celles dont le coût est supérieur à la valeur du bien.
A travers l’intérêt des locataires via la diminution du gaspillage énergétique, l’Etat cible l’intérêt de la communauté via la diminution des émissions des gaz à effet de serre (GES) et prend la route des objectifs fixés par l’Europe.
L’impact sur le parc résidentiel est loin d'être négligeable. Un logement sur cinq est concerné à plus ou moins brève échéance.
L’idée n’est pas ici de détailler les mesures, leur résumé est d’ailleurs un peu rapide. L’article de Laurent Lamielle (PAP), dont vous trouverez le lien dans le tweet ci-dessous, vous donnera plus d’explications avec des commentaires sur le sujet. Il est plutôt de montrer que les passoires thermiques qui sont souvent le lot des plus précaires – et ce n’est pas le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur l'état du Mal-Logement en France qui nous contredira – sont enfin considérées comme indécentes et se voient condamnées à disparaître.
Le point sur les futures obligations de travaux par Logement : vente et location touchées par le changement climatique | De Particulier à Particulier - PAP #immobilier #logement @pap_fr @LLamielle https://t.co/fPT9ADvtQi
— Pierre Chevillard (@PierreChevillar) November 10, 2019
Wallonie
La situation en Wallonie n’est pas plus brillante mais l’artillerie est pour le moment moins lourde. Même si la première réglementation a plus de 35 ans, il faut avouer que la qualité énergétique du parc résidentiel a peu évolué.
La déclaration politique Wallonie 2019-2024 prévoit que « Le Gouvernement s'engage à faire de la rénovation des bâtiments et de l'efficacité énergétique une priorité régionale majeure. »2. La « Stratégie wallonne de rénovation énergétique à long terme du bâtiment » a été actée le 12 novembre 2020 par ce même Gouvernement.
En attendant une action plus opérationnelle* que stratégique et les plans qui en découlent, tant pour améliorer la situation et, d’une pierre deux coups, relancer le secteur, la notion de « loyers chauds » a fait son apparition au 1er janvier 2021.
De quoi s’agit-il ?
Le certificat de performance énergétique (CPE) est à la Wallonie ce que le DPE est à la France. Il classe les logements en catégories et est obligatoire à la location et à la vente. A partir des consommations énergétiques mentionnées dans le CPE, une extrapolation des frais énergétiques peut être réalisée.
Il existe également une grille de référence des loyers en Wallonie. Ce calculateur permet d’estimer, à titre indicatif, le montant d’un loyer considéré comme correct en fonction du bien, de sa situation,… dans une fourchette de ± 10 %. Il sera donc tout aussi utile au propriétaire qui cherche à fixer un juste loyer qu’au locataire qui vérifie si le loyer qu’on lui demande n’est pas surfait.
Lorsque les frais énergétiques sont additionnés au loyer indicatif, la valeur obtenue s’appelle le « loyer chaud ». Elle donne une estimation plus proche du coût réel inhérent à la location hors autres charges (entretien des communs, consommation d’eau, …) dont, proportionnellement, le pourcentage diminue sur l’ensemble.
Consulter le calculateur sur : www.loyerswallonie.be. C’est gratuit.
La mesure vise à informer le futur locataire sur les coûts énergétiques des logements proposés à la location pour qu’il puisse faire un choix « éclairé ». En parallèle, elle incite le propriétaire d’un bien énergétiquement onéreux à faire des travaux d’amélioration puisqu’elle met en évidence son manque de compétitivité sur le marché.
Les travaux
Méthode douce ou coercitive, tout impulse le propriétaire à faire des travaux. Parlons-en justement.
Deux articles récents interpellent sur les problèmes liés à l’amélioration énergétique des bâtiments en termes de compétences et de projet.
- Le travail doit être confié à des entrepreneurs compétents et formés → Guy Hallard, Formateur en construction durable, a mis en évidence les risques liés à une méconnaissance de la physique des bâtiments. Une isolation mal comprise et/ou mal mise en œuvre peut entraîner à terme la destruction du bâtiment.
→ Lire l’article « Rénovation énergétique du bâti wallon : attention, danger ! » - L’amélioration du logement doit être étudiée et, si possible, réalisée dans sa globalité → L’ADEME alerte sur les pathologies résultant d’un séquençage inapproprié des travaux d’isolation. Une logique doit être respectée dans les différentes étapes à programmer si une intervention unique est impossible.
→ Lire le rapport de l’ADEME : « La rénovation performante par étapes »
Et s’il fallait encore vous convaincre de la complexité d’une isolation réussie, un tweet de XPair sur un dossier de l’AQC est passé bien à propos dans notre fil.
Voici les points de vigilance pour maîtriser en #rénovation les phénomènes de migration d’eau et d’ #humidité dans les murs et cloisons, afin d’éviter toutes pathologies et dégradations dans le temps. @AQC_FR https://t.co/kJCF0a8jT1
— XPair (@newsxpair) January 28, 2021
A méditer avant d’agir ?
* La directive 2018/844/UE (modification des directives PEB - 2010/31/UE et efficacité énergétique - 2012/27/UE) a été en partie transcrite par décret le 17/12/2020. Vous trouverez plus de détails dans l'article de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW) : "Nouveau décret modifiant le décret du 28 novembre 2013 relatif à la performance énergétique des bâtiments"
Sources :
- « Loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat », www.vie-publique.fr
- (1) « Qu'est-ce que la zone tendue ? » Laurent Lamielle, 07/01/2021, www.pap.fr
- « Logement : vente et location touchées par le changement climatique », Laurent Lamielle, 22/01/2021, www.pap.fr
- « Les millenials rêvent de villes pas chères et veulent s’installer à... Bordeaux », Jean-Bernard Litzler, 26/01/2021, immobilier.lefigaro.fr
- « Immobilier : top 10 des grandes villes les plus chères de France en 2020 », Anissa Duport-Levanti, 11/01/2021, edito.seloger.com
- « Les logements étiquetés G interdits à la location au 1er janvier 2023 », Claire Lemonnier, 13/01/2021, www.batiweb.com
- (2) « La politique wallonne de l'Énergie », energie.wallonie.be
- « Le « loyer chaud » bientôt dans la grille indicative des loyers », Mailys Chavagne (avec Belga), 17/12/2020, www.jevaisconstruire.be
- « Bienvenue sur le calculateur de loyer indicatif de Wallonie. », www.loyerswallonie.be
- « L'Ademe alerte sur les risques des rénovations « par geste », Claire Lemonnier, 26/01/21, www.batiweb.com
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