Les bruits de couloirs, les annonces de dirigeants politiques ou autres, la simple observation de ce qui se fait au-delà de nos frontières, … Les indices s’accumulent et sont de plus en plus évidents : la relance post-coronavirus passera, notamment, par un grand plan d’isolation du bâti wallon.
Excellente idée : main d’œuvre non-délocalisable, économie d’énergie et donc économie financière très importante, réduction des gaz à effet de serre, …
Soudainement, ce plan d’isolation du parc immobilier que certains appellent de leurs vœux depuis des années, apparaît comme la solution à tous nos maux.
Force est de constater qu’effectivement un parc immobilier ancien comme celui de la Wallonie, avec près de 80 % des bâtiments construits avant l’apparition de la première norme énergétique en 1985, gagnerait à être remis au goût du jour sur le plan énergétique. Mais attention ! Un plan massif d’isolation pourrait se révéler être une arme de destruction massive.
En Wallonie, 50 % des constructions datent d’avant 1945. Jusqu’à cette époque, les bâtiments étaient, pour la quasi-totalité, construits avec des murs massifs, de briques ou de pierres. Ces bâtiments font preuve d’une pérennité sans conteste. La Wallonie possède de très vieilles bâtisses encore dans un bel état de conservation.
Ces bâtiments anciens, et plus particulièrement leurs murs, possèdent un fonctionnement hydrique particulier, que certains n’appréhendent pas toujours. Ces murs sont soumis à des remontées capillaires, ces murs sont soumis à des infiltrations plus ou moins profondes d’eau de pluie, … Ces murs s’humidifient et sèchent en fonction du climat extérieur. Ces murs échangent véritablement avec l’environnement extérieur. Composé de chaux le plus souvent, le mortier de ces murs assure un échange hydrique avec l’extérieur. La vapeur d’eau, tout comme les calories, s’échappent de ces habitations.
Au final, tout se passe bien. La preuve : la pérennité de ces habitations.
Pour ces vieux bâtiments, les problèmes arrivent souvent après des travaux … d’isolation !
Recouverts de divers matériaux isolants, ces murs ne peuvent plus échanger avec l’extérieur. C’est très bien en ce qui concerne la conduction thermique qui engendre des pertes d’énergie très importantes, mais c’est particulièrement néfaste en ce qui concerne les échanges hydriques. Remontées capillaires, vapeur d’eau, … restent emprisonnées dans le mur, avec toutes les pathologies qui en découlent.
Est-ce à dire qu’il ne faut pas isoler ? Certainement pas ! L’isolation du bâti ancien doit être une priorité pour les raisons évoquées à l’entame de cet article, mais le temps est venu de prendre conscience qu’isoler un bâtiment est affaire de spécialistes, de professionnels spécifiquement formés à cette science qu’est l’isolation.
Oui, une science ! Isoler un bâtiment, c’est contrevenir aux règles de Dame Nature.
Naturellement, l’équilibre est la règle. Un corps chaud transfère sa chaleur au corps froid jusqu’à l’équilibre. En hiver, les calories s’échappent donc de nos constructions. En été, la chaleur estivale cherchera par tous les moyens à sa disposition à réchauffer l’intérieur de nos habitations. Au-delà des calories, la vapeur d’eau suivra souvent le même chemin.
Compte tenu de la composition du bâti wallon, les futurs grands travaux d’isolation concerneront de vieux bâtiments dont il faudra nécessairement modifier le comportement thermique en mettant fin aux fuites de calories, mais dont il faudra conserver le comportement hydrique si particulier. Les futurs professionnels qui relèveront le défi de cette rénovation énergétique wallonne devront analyser l’existant, concevoir une isolation performante et enfin mettre en œuvre.
Notons au passage que, brièvement évoqué quelques lignes plus haut, le confort estival, et sont alors concernées toutes les constructions, neuves comme très anciennes, doit aussi faire partie de la réflexion globale du spécialiste en isolation. Réduire drastiquement le recours au chauffage en hiver n’a de sens que si l’isolation mise en œuvre permet également de se passer d’une climatisation en période estivale. Sans quoi ce n’est pas une amélioration, mais une aggravation de notre niveau de consommation énergétique qui résultera des travaux réalisés.
Il est évident que l’acte d’isoler doit devenir un métier à part entière et non plus une compétence additionnelle, rarement totalement maitrisée, à un métier de base. Au-delà du plan d’isolation il devient urgent de mettre en place un plan massif de formation, tant pour des adultes en recherche de perfectionnement ou en réorientation professionnelle que pour les élèves de l’enseignement qualifiant. Des opérateurs de formation tels que le Forem et l’IFAPME ont bien compris cet enjeu et des formations existent. Hélas, elles restent trop peu connues. Il est pourtant bien évident qu’il faudra des mains, des gens qualifiés pour relever le défi qui nous attend.
A défaut, il y a fort à parier que bon nombre de rénovations énergétiques seront mal réalisées, sans prise en compte des caractéristiques intrinsèques des murs anciens.
A défaut, l’arme de destruction massive commencera alors son œuvre et notre patrimoine se détruira peu à peu.
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