Il reste un matériau de niche.

Dommage ! Le béton de chanvre gagne à être connu. Une nouvelle étude et une à venir sont consacrées à ses performances hygrothermiques, un thème encore trop souvent sujet à discussion.

Tout dépend des paramètres pris en considération.

Le sacro-saint lambda

Chez nous, en matière de qualité d’isolation, la conductivité thermique fait la loi avec sa comparse, la résistance thermique, où intervient l’épaisseur du matériau/paroi.

Elle caractérise la capacité d’un matériau à transmettre la chaleur par conduction et s’exprime en watts par mètre et par degré (Celsius ou Kelvin - W/m.°C(K)) via le coefficient de transmission thermique, le bien connu lambda (λ). Plus il est grand plus le matériau est conducteur. Celui d’un béton ordinaire tourne autour de 2,1 et à partir de 0,065, un matériau n’est plus considéré comme isolant au sens strict. Il faut bien le reconnaître, avec du 0,056 W/m.°C (à 0,076 selon les densités), le béton de chanvre est nettement moins performant qu’une laine minérale à ± 0,032.

 

Un triumvirat puissant

D’autres pays, comme le Royaume-Uni, ne se limitent pas au lambda pour évaluer la qualité des isolants et le confort thermique. Un deuxième paramètre intervient : le déphasage thermique ou la capacité d’un matériau à ralentir les transferts de chaleur.

Quel intérêt ?

Même si l’inertie thermique d’un isolant n’est en rien comparable à celle d’un matériau lourd, rappelez-vous ces vieilles maisons de pierre qui restent fraîches en été, le retard dans la transmission de la chaleur se révèle un atout en période de surchauffe. S’il est de 10 à 12 heures, le décalage de temps entre le pic de température extérieure et le pic de chaleur intérieure permet à la chaleur de s’évacuer alors que la température fraîchit avec la nuit et ce, avant même d’avoir participé à la surchauffe intérieure.

Un troisième paramètre important, encore trop peu reconnu agit pourtant sur la notion de confort thermique et la diminution de la consommation énergétique, c’est la perméabilité à la vapeur d’eau. Certains matériaux sont dits respirants. Ils entretiennent un équilibre hygrométrique entre l’extérieur et l’intérieur des bâtiments par diffusion de la vapeur d’eau, à l’exemple des laines végétales ou animales, la terre cuite, ... D’autres sont totalement imperméables et constituent une barrière infranchissable. Le plastique, cela vous parle ?

 

Le bout de gras

Face à ces 3 paramètres, tous les isolants ne sont pas égaux pour performer sur la notion de confort. Les classements habituels sur base du seul lambda sont chamboulés mais une chose est certaine, le béton de chanvre, lui, excelle.

Pourquoi ses qualités restent-elles méconnues ?

  • La filière que l’on pourrait classer en « poids plume » en comparaison de celles des laines minérales et autres mousses ?
  • Le peu d’études ?
  • L’inadéquation entre ressenti et indicateurs ?
  • Un blocage scientifique ?
  • Des modèles réglementaires qui lui sont défavorables ?
  • Des méthodes d’évaluation inadaptées ?
  • Une autre idée ?

Cette situation n’est pas sans évoquer celle de la paille et de la laine de mouton face à l’ACV, l’analyse du cycle de vie. Ces matériaux que tout un chacun aurait tendance à qualifier de « naturels » et intuitivement à considérer comme « bons pour la planète » n’obtiennent pas nécessairement de bonnes performances. Leur score dépend de la méthode de référence. La méthode privilégiée pour les laines minérales et les mousses ne leur est pas adaptée.

Chacun défend son bout de gras ! La logique économique prévaut.

Vivons-nous dans un monde où le lobbying pourrait influencer le choix d’une méthode d’évaluation, un protocole de test et ... soyons fous … un modèle réglementaire ?

 

Et le béton de chanvre ?

Le béton de chanvre est confronté au même problème en France qu’en Belgique. La filière veut démontrer que son matériau, même s’il n’entre pas dans les clous officialisés, n’en demeure pas moins une excellente (voire meilleure) solution.

Le Cerema, Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (France), consacre beaucoup d’attention au chanvre et à ses dérivés dont le béton de chanvre et ce, depuis plusieurs années. En 2021, sont au programme une étude pour Construire en Chanvre Île-de-France, Gatichanvre et BioBuild Concept et la participation au projet Hauts-de-Chanvre du bailleur social Maisons & Cités.

  1. Île-de-France -> La première a déjà livré ses conclusions avec l’annonce d’une réduction jusqu’à 70% des besoins en chauffage de logements. Elle s’appuie sur une étude théorique avec un bâtiment modélisé de 100 m². En parallèle avec l’influence de l’épaisseur de l’isolation, elle montre que « les transferts hygrothermiques au sein du béton de chanvre modifient sensiblement les besoins en chauffage du bâtiment », un constat essentiel aux yeux des chercheurs car il y a, dans la littérature scientifique, un hiatus entre les qualités hygrothermiques du béton de chanvre et le lien avec les économies d’énergie. Des mesures de terrain viendront compléter l’étude en vue de valider (ou non) l’analyse théorique.

  2. Hauts-de-France – Dans le cadre de la rénovation d’une partie de son parc, le bailleur social Maisons & Cités a souhaité lancer une étude comparative sur les performances des isolants dont le béton de chanvre (en projection ou sous forme de blocs), les laines minérale et végétale. Les bâtiments seront monitorés à partir de cet été, les chantiers étant en cours, et les résultats attendus pour 2023. Sont prévus également dans le projet, le développement de la filière et la formation d’artisans.

 

Le bonus … la circularité

Au-delà de la régulation hygrothermique, le béton de chanvre reste une alternative trop souvent ignorée aux matériaux conventionnels le plus souvent synthétiques (et polluants). Ses aptitudes en durabilité et circularité collent parfaitement avec les thématiques chères à la stratégie européenne 2050.

Non seulement, il stocke le carbone, son empreinte écologique est faible mais il est entièrement recyclable, un matériau circulaire par excellence. Cette donnée peut, aujourd’hui, influencer les décisions d’un maître d’ouvrage qui porte sur son bâtiment un regard à long terme

Prenons l’exemple du bloc chaux-chanvre à travers le témoignage (sous-titré en français) de Paul Van Houtte pour qui la circularité était un élément incontournable dans son projet de transformation d’écuries en logements (Gand).

Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

 

Sources :
- « Une étude montre que le béton de chanvre permet de réduire la consommation énergétique des logements », Batinfo, 18/05/2021, batinfo.com
- « Murs en béton de chanvre : jusqu’à 70% de chauffage en moins », Rédaction bâtiment, 20/05/2021, batijournal.com
- « Le Cerema mesure les performances du béton de chanvre comme isolant dans les Hauts-de France », 25/05/2021, www.cerema.fr
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