Ce dernier épisode consacré à la brique est l'occasion d'aborder des usages insolites, moins courants, de retrouver des racines ou d'explorer le futur.

A vous de choisir, suivant affinités.

La contestation

Ils s’appellent « Brick Arches » (pour arches en briques). Faciles et rapides à monter, ils ne font pas plus de 2 ou 3 tas, ces petits empilements de briques n’en empêchent pas moins la circulation. Manifestation en douceur, protestation bien réelle. Les partisans de la démocratie à Hong kong transforment les briques en barrages routiers éphémères. Au-delà du message, l’initiative a attiré l’attention du Design Museum au Royaume Uni et remporté le prix du public lors du concours « Designs of the Year 2020 ».

 

Le nid

La rénovation des bâtiments anciens signe la disparition de nombreuses caches pour les oiseaux et chauve-souris qui trouvaient refuge dans les anfractuosités d’une façade, un débordement de toiture, dans la charpente d’un grenier ou encore une étable. C’est le cas des martinets. En Grande-Bretagne, leur population a drastiquement diminué avec la suppression des sites de reproduction. Ce n’est peut-être pas le seul facteur (moins d’insectes, dangers de la migration, …) mais il a sa part de responsabilité. Ornithologues et autres scientifiques ont réfléchi à la question et ont développé des briques très spéciales, avec une cavité pour la nidification. Plusieurs espèces ont été séduites par la proposition : moineaux et hirondelles domestiques, mésanges bleues et charbonnières, étourneaux, sittelles, … Des insectes, comme des papillons écaille de tortue ou des abeilles, trouvent aussi le lieu cosy pour passer l’hiver.

Bien que qualifiées de briques, elles sont fabriquées en béton de bois ou béton de pierre (mélange de béton et de bois ou de pierre). Elles s’intègrent facilement dans une façade et seul un petit trou d’entrée signale leur présence. La British Standards Institution va publier à l’attention des concepteurs tels que les architectes un guide afin d’optimiser l’opération avec des spécifications pour la taille des briques et des trous d'entrée et des illustrations pour le positionnement à privilégier ou à éviter.

  

Une batterie ?

Afin d’économiser la matière première, un fabricant a eu l’idée d’incorporer à la pâte des déchets métalliques issus de l’industrie. Un pas plus loin : des scientifiques ont intégré de l’oxyde de fer et l’ont transformée en supercondensateurs dont l’efficacité est supérieure aux polymères. Comme l’oxyde de fer est rouge (c’est de la rouille), la couleur naturelle de la brique n’est pas modifiée.

Les recherches sur les polymères continuent néanmoins et, début de l’année, des chercheurs américains (université de Washington) ont annoncé avoir mis au point des briques considérées comme « augmentées » grâce à un revêtement polymère conducteur (PEDOT) qui, appliqué sur une brique tout à fait normale, lui permet de stocker de l’énergie suffisante pour alimenter une ampoule LED. D’où l’idée de les connecter à des panneaux photovoltaïques et d’en profiter pour installer un éclairage d’urgence, par exemple.

 

La couleur

Arrêtons-nous un instant sur les façades polychromes. Car c’est aussi une des options décoratives parmi les si nombreuses opportunités créatives qu’elle offre aux concepteurs.

Beaucoup plus rare dans l’architecture actuelle, cette tendance se rencontre depuis que la brique existe avec des moments historiques forts comme la Renaissance ou le 19e siècle et son éclectisme. Décoration mais aussi symbole de prestige, cette modénature est présente tant sur les maisons bourgeoises que les bâtiments importants qu'ils sont publics ou privés.

Les façades du château normand de Carrouges en sont un beau témoignage historique, là où la brique surcuite dessine un treillis de losanges comme le montrent les photos ci-dessous.

 

Aujourd’hui, en Inde, le bâtiment conçu pour le gouvernement provincial d’Odisha par l’agence d'architecture Studio Lotus en est le pendant contemporain avec ses façades élaborées, aérées et tricolores, directement inspirées des techniques de teinture traditionnelle. 

 

Les formes

L’usage de la brique ne se limite pas aux murs et façades. Les agencements sont multiples, un créneau largement exploité par les designers et architectes, notamment pour réaliser du mobilier, des pavements, … créer des expériences innovantes où les frontières disparaissent entre les éléments architecturaux et les aménagements intérieurs. L’article de ce tweet renvoie vers 10 projets, excellents exemples du potentiel d’un matériau qui peut se transformer jusqu’à en devenir luminaire !

 

Avec « Passaqua », Wienerberger la présente comme un revêtement de sol drainant, une solution très tendance en ces temps d’artificialisation des sols et d’inondations. Ce pavage d’argile laisse percoler l’eau de pluie absorbée par la terre, une alternative au ruissellement de surface ou à l’envoi vers le réseau d’égouttage. 

 

Les efflorescences

Du côté de Vandersanden, une recherche a été lancée en collaboration avec la KU Leuven et a abouti sur une solution contre les efflorescences. Avouez que cette pathologie très disgracieuse défigure la plus belle des façades.

Le fabricant commercialise dorénavant des briques imprégnées qui non seulement ne subissent plus l’efflorescence et la gypsification mais se salissent beaucoup moins vite. Cette finition spéciale, appliquée après cuisson, imperméabilise la surface exposée de la brique de parement sur une profondeur de 5 à 15 mm.

 

Crue et réfractaire 

Bien qu’étant cuite dans un four à haute température (entre 900 et 1200 °C), la brique cuite ne résiste pas aux différences thermiques importantes. Utilisez une brique classique pour garnir un four ou un fond de cheminée n’est pas une bonne idée. Elle va se fissurer sous l’effet de l’élévation et de la diminution rapides de la température. L’ajout de silice et d’alumine à la pâte booste ses propriétés et la transforme en un matériau réfractaire de qualité capable de résister aux chocs thermiques. 

 

A l’opposé, un usage sous sa plus simple expression est tout-à-fait possible : la brique crue. Dans nos régions, il est peu courant, limité à l’intérieur à moins d’être protégé d’un enduit mais ce n’est pas le cas dans d’autres parties du monde. La technique est ancestrale et la terre moulée (et parfois pressée pour en augmenter la solidité) est séchée au soleil. Elle est plus couramment utilisée sous un climat sec. Les traces historiques sont asiatiques et remontent à 10000 ans.

 

Vivante

Dans une société innovante, en perpétuelle recherche d’un monde meilleur, plus écologique, ne peut-on imaginer une autre anatomie pour la brique ? Ne peut-on imaginer qu’elle soit vivante ? Vivante ! Ne soyez pas effrayés ! La production sera soigneusement contrôlée. Les chercheurs de l'université du Colorado l’assurent.
Ils proposent d’avoir recours à des bactéries pour minéraliser un hydrogel et du sable. Le mélange se développe dans un moule qui une fois rempli donne une brique. Si elle est fragmentée, chaque morceau peut à son tour générer une brique à condition de recevoir les nutriments nécessaires dans des conditions de croissance adaptées, à savoir une ambiance humide. Ce type de recherche en est à ses balbutiements.

 

D’autres pistes ont exploré les briques à base de champignons. Le mycelium se développe aussi dans un moule qui lui donne sa forme spécifique. Le résultat est présenté comme compact, résistant et économique. L’idée titille même les chercheurs de faire pousser une maison entière. 

  

La brique durable a plus d'un tour dans son sac !

 

Lire aussi :

 

 

Sources :
- « Brick Arches roadblocks from Hong Kong protests resonate as "anyone can replicate" », Jane Englefield, 04/03/2021, www.dezeen.com
- « Securing a swift return: how a simple brick can help migratory birds », Sarah Gibson, 18/05/2021, www.theguardian.com
- « Les briques de votre maison peuvent stocker l'électricité ! », Nathalie Mayer, 20/01/2021 (modifié 21/01/2021), www.futura-sciences.com
- « Studio Lotus creates intricate brickwork facade for government building in India », India Block, 23/08/2020, www.dezeen.com
- « Architecture with Built-in Furniture: 10 Projects with Brick Fixtures », Belén Maiztegui (traduction anglaise par Maggie Johnson), 05/12/2020, www.archdaily.com
- « Passaqua, le pavé en terre cuite drainant », 23/02/2021, www.bativox.be
- « La protection des façades contre les salissures et la gypsification », 24/06/2020, www.batirama.com
- « Des briques en terre crue pour une maison 100% écolo », Rouba Naaman-Beauvais, 04/10/2019, www.maisonapart.com
- « Construire en terre crue aujourd’hui », Héloïse Gailing, 07/05/2021, espacescontemporains.ch
- « What Are Refractory Bricks and What Are They For ? », Eduardo Souza, 27/10/2020, www.archdaily.com
- « Construire en terre crue ? Une solution bioclimatique économe en énergie », OGIC, 10/01/2021, www.groupe-ogic.fr
- « Une brique vivante qui peut se reproduire ! », Nathalie Mayer, 16/01/2020, www.futura-sciences.com
Source de la photo d'introduction utilisée à titre d'illustration : montage - pixabay.com (CC0 Public Domain - Libre pour usage commercial - Pas d'attribution requise). Leur utilisation n'engage en rien les auteurs sur un soutien ou un entérinement éventuel du contenu de l'article.