Les valeurs limites trouvent leur origine dans le monde du travail. Elles sont fixées arbitrairement pour définir un risque acceptable entre santé et production, une sorte de compromis. Comme il s’agit d’une exposition professionnelle, elles sont considérées sur le court terme. Elles sont aussi monofactorielles : elles ne prennent en compte que l’exposition à une seule substance à la fois.
Et en santé environnementale ?
Même si cela commence à changer très doucement, la situation est caractérisée par l’absence majeure de législation. Au Grand-Duché de Luxembourg, apparait la notion de valeur guide, de valeur d’orientation qui n’a pas d’existence légale mais qui essaie de tenir compte :
- d’une exposition chronique à long terme (+/- 10 ans),
- d’une exposition tant dans la vie privée que professionnelle,
- du cocktail de substances auquel nous sommes exposés et de leurs interactions.
Monsieur Baden cite quelques chiffres :
Si pour le toluène, la valeur professionnelle est +/- 200 000 µg/ m³, le Ministère de la santé luxembourgeois a fixé le seuil de la valeur d’orientation, à 100 mg/m³, soit 2000 fois moins. La démarche est la même pour le styrène dont la concentration admissible passe de 86 000 à 20 µg/ m³. Pour d’autres substances toxiques ou cancérigènes comme le benzène ou le perchloréthylène, ainsi que les terpènes, ... il n’y a pas de limites en santé de travail. Mais comme ces substances sont bien présentes sur nos lieux de vie, il est bien nécessaire de leur attribuer des valeurs guides ou valeurs d’orientation.
Le formaldéhyde est un bel exemple de la difficulté de fixer une valeur qui reste somme toute subjective. Sur les lieux de travail, on parle de 0,5 ppm. Pour l’environnement intérieur, la valeur souvent citée est celle de 0,1 ppm ( 5 fois inférieure) proposée par l’agence de santé allemande dans les années 70. L’OMS, de son côté, préconise la moitié de cette valeur soit 0,05 ppm comme cible et une valeur d’intervention de 0,07 qui correspond à la limite olfactive. Limite en-dessous de laquelle une irritation du nez et des yeux peuvent pourtant se produire. De plus, l’OMS signale que, chez les personnes sensibles, des irritations peuvent avoir lieu même en-dessous de la valeur de 0,05 ppm. Une étude australienne a montré que, en matière d’asthme infantile, l’apparition de symptômes se situe sous les valeurs de l’OMS, en-dessous même de seuils fixés dans certains labels écologiques.
Et Monsieur Baden de conclure : « Nous sommes très loin de la santé au travail, ce qui montre que des valeurs limites légales ne nous protègeront certainement pas ! Mais, même avec des valeurs plus sévères, on n’est pas toujours au-delà de tout risque environnemental ! Or, en général, il ne s’agit pas d’exposition monofactorielle mais d’une exposition à 3, 4, 5 produits, voire plus. C’est vraiment un cocktail d’expositions par rapport à plusieurs composés et là, toutes les valeurs d’orientation, de référence, de guide, ou limites n’arrivent pas à tenir compte de ces multi-expositions et des effets synergétiques qui en découlent. »
A suivre …
Source : Cette série d’articles est tirée de la présentation « La qualité de l’air intérieur : impacts sur la santé, résultats d’analyses, sources de contamination, prévention », Ralph Baden, Ingénieur spécialisé en matériaux, Ministère de la Santé (Grand-Duché de Luxembourg) lors de la journée de conférences organisée par le Cluster Eco-Construction et ses partenaires du projet européen Interreg IV BatiD2 sur le thème « Santé & habitat : quelles implications pour les professionnels du bâtiment ? », le 23/10/2014 à Namur dans le cadre du salon Energie & Habitat 2014.
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Source du tableau : © Ralph Baden
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