grotte-Lascaux-interieur-by-Francesco-Bandarin

Fin 2016 a été inauguré Lascaux IV. Après un focus sur le bâtiment dans la première partie, il est temps de partir à la découverte de la reproduction, elle aussi, véritable exploit technique et artistique.

Rappelons brièvement, la lignée.

  • La première reproduction était photographique.
  • Lascaux 2 (1983) abrite le premier fac-similé d’une partie de la grotte.
  • Lascaux 3 (2012) est une exposition itinérante qui fait suite à la fatigue du site de Lascaux 2.
  • Lascaux 4 fait l’objet d’un concours international remporté par le bureau d’architecture norvégien Snøhetta et le scénographe Casson Mann (2012). Ce Centre dédié à l’art pariétal ouvre ses portes en 2016.

La reproduction

Au-delà des dessins, ce dernier fac-similé est considéré comme bluffant par l’archéologue Thierry Félix, spécialiste de la grotte de Lascaux. Il restitue l’ambiance même de la grotte originale grâce à l’éclairage, la température, les odeurs, ... La température tourne autour des 16°, l’atmosphère semble humide, les bruits sont étouffés, l’obscurité est à peine percée par la lumière brasillante qui rappelle les lampes des artistes du paléolithique.

Lascaux-4-peinture-parietale-2-by-Traumrune

Mais avant d’en arriver là, il a fallu relever un véritable défi car, à la différence des reproductions précédentes, celle de Lascaux IV a pour ambition de représenter l’ensemble des peintures de la grotte.

Dés la découverte de la grotte, des relevés ont été effectués mais ceux d’aujourd’hui le sont avec des techniques digitales : le scanner 3D. Les nuages de points ainsi obtenus sont traités pour donner une représentation graphique en trois dimensions d'une très grande précision plus facilement exploitable en modélisation 3D et en vidéo-projection.

Organisation

La reproduction a été divisée en deux parties : inférieure et supérieure, avec une technique différente pour chacune des parties.

  • La base, sans ornement, a été confiée à Lagarrigue, filiale du groupe français de travaux publics NGE, maître d’oeuvre du chantier. Cette entreprise a utilisé des voiles de pierre, tendus sur une structure métallique. Ces voiles ont été recouverts par projection d’un ciment coloré.
  • Les Ateliers des Fac-Similés du Périgord (AFSP), eux, ont relevé le challenge de la partie haute et de ses peintures. Encore que challenge semble un faible mot pour décrire le travail de trente-quatre personnes qui ont oeuvré pendant 2,5 ans* pour réaliser 54 panneaux, soit 900 m² de surfaces peintes. A noter que certains panneaux ont été fabriqués en double exemplaire, soit ± 400 m² qui constitueront une réserve ou seront exposés individuellement. Ce sont notamment les panneaux suspendus de l’atelier. Et donc, si le calcul est juste, le fac-similé orné de la grotte se déploie sur ± 500 m².

Il va sans dire que les raccords ont nécessité la plus grande précision tant entre la partie basse et la haute qu’entre les différents panneaux.

Focus sur l'intervention des Ateliers des Fac-Similés du Périgord

Tout ce travail requiert technicité, créativité, innovation et compétences ... de multiples compétences.

En effet, une autre originalité du projet est la multidisciplinarité de l’équipe : du peintre à l’informaticien, du sculpteur au décorateur, du plasticien au résineur, du serrurier à l' infographiste ! Autant de compétences, l’auriez-vous cru ? Là où à l’origine du temps il n’y avait qu’une roche, un homme et quelques pigments.

Comment les hommes d’aujourd’hui ont-il travaillé ?

Cette partie de la reconstitution se scinde en deux grandes étapes, chacune subdivisée en de nombreuses interventions très spécialisées :

  • fabriquer le support, à savoir la paroi rocheuse tant en texture qu’en couleur;
  • finaliser les couleurs de la paroi et reproduire les ornements.

Structure

Les scans 3D servent de modèles pour fraiser des moules dans des blocs de polystyrène, dont la surface reste (et encore, tout est relatif) assez grossière. A l’aide de leur image projetée sur la surface, les détails sont sculptés et modelés manuellement avec un enduit naturel à base de pâte de papier. Le relief initial est reproduit avec une tolérance de 1 millimètre. Ce premier moule sert à la fabrication d’un autre moule en élastomère pour finir par un contre-moule en résine. Une animation sur le site de l'AFSP explique en détail tout le processus mieux que nous ne pourrions le faire : voir l'animation (descendre un peu sur la page).

L’AFSP a breveté la technique de fabrication de la fausse paroi : une résine coulée dans le moule sur laquelle est appliqué un voile de pierre (mélange d'acrylique et de poudre) pour donner cette inimitable aspect de roche qui n’attend plus que la coloration finale et les peintures.

Simultanément à la fabrication des panneaux, la construction d’ossatures métalliques est lancée. Chacune sera conçue pour recevoir son propre panneau. Ces panneaux sont lourds. Si le plus léger ne pèse que 600 kg, le plus lourd atteint les 2 tonnes.

Peinture

Les peintres prennent le relai. Ils doivent non seulement affiner la coloration de la paroi mais aussi reproduire les peintures rupestres.

Lascaux-4-peinture-parietale-by-Traumrune

L’étude des peintures de Lascaux au microscope électronique a révélé que les artistes ont utilisé au moins 7 pigments. Au contraire des artistes de Guédelon qui ont eux aussi utilisé certains de ces pigments comme l’hématite ou l’argile, les hommes du paléolithique ne leur ont fait subir aucune modification thermique. Les scientifiques constatent également qu’ils sont employés purs. La qualité picturale est soutenue par la technique : polychromie, estompe, perspective et anamorphose. Le relief dans la roche est accentué par le trait ou sublimé pour donner du volume, mettre en mouvement la figure. Pas de vert ou de bleu mais du rouge, des ocres, de noir. L’éclat des couleurs a traversé le temps, vif, tonique, presque vivant.

Tant pour la paroi que les peintures, les mêmes pigments naturels seront utilisés mais, aujourd’hui, ils seront stabilisés avec un peu d’acrylique pour une meilleure stabilité dans le temps afin de résister au passage des milliers de visiteurs. La réplique a accueilli le millionième en juillet 2019.

Pour reproduire au plus précisément les dessins, ici aussi, leur image est projetée en vraie grandeur sur la paroi, servant de support et modèle au peintre. Rien de plus émouvant que de voir ces hommes et femmes d’aujourd’hui attentifs, concentrés sur leur ouvrage. Avec des pinceaux, des tampons végétaux, leur souffle, ils tracent, estompent, colorent … les mêmes gestes. Anciens. Précis. Immuables.

Motivation et patience font aussi partie de leurs qualités, la peinture d’un seul panneau demande entre 5 à 7 mois de travail.

Oserions-nous encore dire que le fac-similé de Lascaux IV n’est qu’une reproduction ?

Il est temps de refermer la page. Avec cette réaliation, la polémique faux-vrai a-t-elle encore un sens ? Les prouesses techniques et artistiques de tous les intervenants sur ce chantier constituent une vraie référence et ne peuvent que susciter l’admiration.

Un des points fort du projet (ou la clef du succès de ce projet) est qu’il y a un réel équilibre entre l’architecture et l’exposition. Le bâtiment a été imaginé pour ne pas attirer plus que son contenu, comme c’est parfois le cas avec certains bâtiments de l’architecte Franck Gehry. Dans un premier temps, le bâtiment, impressionnant dans sa conception, valait la peine d’être expliqué mais en rédigeant la suite de l'article, nous nous sommes demandé si l’exposition ne prenait pas le dessus ?

Et pour conclure, juste le constat qu’il est possible d’intervenir dans une rupture contemporaine intégrée, quelle richesse que la combinaison de la haute technologie et des techniques millénaires.

 

* voire plus, les chiffres varient suivant les sources. Même si la durée de cette intervention peut paraître longue, le délai de réalisation est en réalité très court.

 

 

Sources :
- www.lascaux.fr
- fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_de_Lascaux
- www.afsp-perigord.fr
- « La grotte de Lascaux 4.0 par SNØHETTA à Montignac », Garance Sornin, 12/12/2016, www.amc-archi.com
 - « Lascaux IV / Snøhetta + Duncan Lewis Scape Architecture », 03/04/2017, www.archdaily.com
- « Lascaux 4 : Une plongée dans les entrailles de la (pré) histoire », Stéphanie Odéon, 20/05/2016 (mis à jour 11/12/2017), www.batiactu
- « Lascaux 4 : des parois plus vraies que nature », Stéphanie Odéon, le 08/12/2016, www.batiactu
Source des photos utilisée à titre d’illustration (leur utilisation n'engage en rien les auteurs sur un soutien ou un entérinement éventuel du contenu de l'article) :
- « Grotte de Lascaux. Sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère (France) » by Francesco Bandarin, 30/06/20067, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 nported license, commons.wikimedia.org
- « Lascaux 4, Montignac, Dordogne, France. Photos prises dans l'espace atelier » by Traumrune (travail personnel), 05/03/2017, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license, commons.wikimedia.org
- « Lascaux 4, Montignac, Dordogne, France. Photos prises dans l'espace atelier » by Traumrune (travail personnel), 05/03/2017, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license, commons.wikimedia.org