Dit public et mobilier urbain par excellence, le banc peut aussi se croiser au détour d’un chemin de campagne.

Georges Brassens, lui, en a fait le complice des souvenirs amoureux dans « Les Amoureux des bancs publics ».

Il est posé comme un repère dans le paysage, suggère une référence, façonne une empreinte, ouvre à la conversation ou, tout simplement, offre au passant un instant de repos et de détente.

D’intérieur ou d’extérieur, il est, en principe, un élément incontournable de l’aménagement du territoire. En principe, car certaines villes françaises (comme Toulon ou Perpignan) jouent la carte antisociale. Dans une stratégie de lutte contre la sédentarisation, autrement dit les SDF, elles l’ont volontairement supprimé. D’autres ont préféré l’inconfort : impossible d’y rester assis longtemps ou de s’y allonger. Un concept dénonciateur « payer pour s’assoir » a été proposé en 2008 par Fabian Brunsing, un artiste allemand engagé : le « Pay & Sit: The Private Bench ». Des piques métalliques sortent de son assise et titillent méchamment le fessier une fois le temps écoulé.

Au-delà de cette facette désenchantée, le banc n’en reste pas moins une véritable balise scénographique, inclusive pour laquelle l’imagination des concepteurs s'emballe. Pour eux, il n’est pas qu’un « siège long, avec ou sans dossier, avec ou sans accoudoirs ». Ils en explorent les formes, les couleurs, les matériaux, les sons, les fonctions, … et parfois même la technologie.

Les utilisateurs ne peuvent que se réjouir de cette approche ludique pour une pause plus ou moins longue et quelqu’instant de socialisation car au-delà de la convivialité, le banc peut même devenir instagrammable.

Des exemples.

Une touche de préhistoire

Sur ce banc qui a tout l’air d’être très classique avec sa structure en acier et son assise en bois, la voyez-vous ? Cette silhouette de dinosaure en parfaite concordance avec la vocation touristique du lieu connu pour être le royaume des dinosaures. La grande majorité des fossiles découverts au Japon l’ont été dans cette préfecture, celle de Fukui.

Ils sont installés sur la place qui borde un bâtiment gouvernemental depuis juin 2023. Alors qu’au départ les avis étaient très mitigés quant au choix du modèle, ils sont devenus aujourd’hui la coqueluche des réseaux sociaux. 

Des livres dans tous les sens

Que ce soit en France, en Egypte ou ailleurs dans le monde, le livre se décline en plusieurs modèles de banc.

Dans le pays breton, à Vannes, la place Anne-de-Bretagne accueille depuis juin 2022 deux livres très particuliers. Qui s’assiéra au creux de leurs pages ? L’un est dédié à un texte inédit de l’autrice française Irène Frain, l’autre, à l’hymne breton, le Bro gozh ma zadoù.

A Paris, dans Square Gabriel Pierné, la pierre est à l'honneur à travers deux livres ouverts sur un présentoir ornementé. Ils accueillent les méditations de visiteurs et invitent à visiter la bibliothèque Mazarine, toute proche.

La version contemporaine de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie, conçue par le bureau d’architecture norvégien Snøhetta, abrite aussi une œuvre d’art symbolique, un banc en forme de livre ouvert qui propose à la lecture des poèmes de Shakespeare.

Ou encore, celui-ci, près de la bibliothèque communale de Zaporozhye en Ukraine, qui, pour une fois se présente à l’envers, comme posé entr’ouvert sur le sol.

Une illusion d’optique

Et pourquoi un banc conçu comme une anamorphose ?

Les designers français de l’Atelier YokYok se sont amusés à tordre la perception des spectateurs. La taille des personnes assises sur le banc de Malicorne-sur-Sarthe varie selon l’endroit où elles sont positionnées : chaise géante pour un humain miniature ou l’inverse. Pas pour de vrai, bien sûr, nous ne sommes pas dans « Le Petit monde des Chapardeurs » d’Arrietty.

Autre particularité, ce banc linéaire est circulaire. Il semblait logique aux concepteurs d’appuyer sur le trait avec un béton durable et de s’inspirer du savoir-faire local. Cette ville du Pays de la Loire est historiquement connue pour ses faïenceries. 35 kilos d'assiettes au rebut ont remplacé du gravier et d’autres objets donnés par l'Atelier d'Art Faïence de Malicorne ont servi à la construction du Banc Anamorphique. La structure métallique aux pattes de hauteur variable supporte donc des éléments de béton d’autant plus durable qu’il contient du ciment à faible teneur en carbone (Hoffmann Green Cement Technologies) et des pigments naturels. 

Une interaction amusante

L’expression courante est « se méfier de l’eau qui dort ». Et d’un banc ? Bien que d’un design épuré, celui-ci semble parfaitement classique. Ne vous y fiez-pas !

A travers SurfBench, le designer allemand Kim (ou Karl selon les sources) André Lange explore l’attrait du mouvement dans une ondulation interactive avec les utilisateurs. Le temps semble filer lorsqu’ils peuvent jouer avec le banc conceptuel sur lequel ils sont assis.

  • Aucun inconfort car ils ne ressentent pas le mouvement. La vague se déplace et change de sens lorsqu’elle rencontre un obstacle : le bout du banc, une autre vague, une personne assise.
  • Pas de dossier. Le banc est accessible des deux côtés avec une occupation au sol minimale.
  • Pas de moteur, pas d’électricité mais une utilisation astucieuse de l’énergie cinétique produite par les usagers dans un mécanisme fluide.
  • Pas d’inquiétude sur sa solidité et sa durée de vie. Non seulement les matériaux sont de qualité mais toutes les pièces peuvent être remplacées à l'infini aussi longtemps qu'elles sont disponibles.

N’êtes-vous pas curieux de l’essayer ? 

Un peu d’énergie solaire

Le look des années 60 reste votre coup de cœur ? Le studio australien d’art et de technologie, ENESS, vous propose un voyage nostalgiquement floral.

La National Gallery of Victoria à Melbourne possède un jardin de sculptures. C’est là que vous trouverez quelques exemplaires de ce banc très particulier.

En forme de fleur d’un graphisme stylisé très vintage, ils contrastent avec le vert de la pelouse qui les accueille. Animés d’un mouvement rotatif à vitesse variable selon la luminosité, ils donnent en vue aérienne l’impression d’un champ de fleurs doucement balancées par le vent. La giration offre aux utilisateurs :

  • des rencontres fortuites, éphémères ou répétitives, une convivialité dynamique et divertissante ;
  • une perception paysagère intermittente et cinétique, une communication visuellement autonome.

Au contraire du modèle précédent, qui dit mouvement, dit énergie. Elle est fournie par le soleil. Le cœur de chaque fleur est composé de panneaux solaires dont la productivité selon les conditions climatiques régule la vitesse de rotation.

Les bancs sont réalisés en polyéthylène basse densité (LDPE) à partir des chutes industrielles, triées par couleur et/ou mélangées en fonction de la tonalité souhaitée. Eux-mêmes sont entièrement recyclables, un processus tout à fait circulaire. 

Totalement High-Tech

De petites dimensions mais de grande technologie, ce banc a une vocation ambitieuse : réguler la température urbaine.

Le prototype en a été conçu par une start-up du MIT, Harness the Heat.

L’aventure a commencé en 2021 autour d’une réflexion sur l’équilibre des flux thermiques en ville et le constat d’un énorme gaspillage. Est totalement perdue, par exemple, la chaleur des fuites de vapeur, des déperditions du bâti, des bouches d’aération des métros, … L’idée est de la récupérer pour une meilleure régulation selon les besoins en confort extérieur. La plus simple et la plus basique est de rafraîchir en été, chauffer en hiver selon les principes du « slow heating » à savoir : chauffer/refroidir la personne et non tout son environnement. Les chercheurs ont travaillé sur la captation de la chaleur perdue, le choix des matériaux (terre, béton, …) et une approche conceptuelle pour la standardisation du mobilier.

La dernière version a été présentée en avril pour et avec le soutien du MIT Museum, ainsi que celui MIT Urban Risk Lab. Le banc thermiquement actif offre aux visiteurs une zone de confort autour des 17,6° pendant plusieurs heures. L’assise et le dosseret d’appui sont réalisés en galets de béton traversés par une boucle d’eau en circuit fermé, le tout inséré dans une structure en bois. L’énergie est fournie par des panneaux photovoltaïques intégrés. Le dessus du dossier fait office de bac à plantes pour la « green touch ».

 

Comment sera le banc de demain ?

A défaut d’en imaginer le design, gageons qu’il restera chargé de bien des missions : expression de l’éternelle dualité entre esthétique et fonctionnalité, signal paysager, vitrine technologique, partenaire de circularité, porteur de lien social, contributeur attentionné aux pauses bienvenues à tous les âges de la vie, ...

 

Un bonus aoûtien 

(bonus - mise à jour du 29/08/2024)

A suivre → La fontaine – Une histoire d’échanges, un catalyseur de fraîcheur

 

 

Sources :
- « Banc public », fr.wikipedia.org
- « Que nous racontent les bancs publics ? », Caroline Rondelle, 22/01/2024, www.maisondelurbanite.org
- « 'Dinosaur' benches in Japan a huge social media hit, much to creator's surprise », Yukinao Kin, (Digital News Group), 13/03/2023, mainichi.jp
- « À Vannes, un banc livre sérigraphié avec un texte inédit d’Irène Frain », Ouest-France, 11/06/2022, www.ouest-france.fr
- « This Amazing Bench In The Library Of Alexandria Is Inscribed With Shakespeare’s Sonnets », ušrys Uptas, 2020, www.demilked.com
- « Yokyok’s anamorphic bench can make people appear big or small based on where they sit », Matthew Burgos, 06/01/2024, www.designboom.com
- surfbench.de
- « Réinventer le banc public en mouvement collectif et en musique », 13/09/2023, www.journal-du-design.fr
- « ENESS' solar-powered benches inspired by vintage flower graphics oscillate in melbourne », Lyndal Hall, 04/07/2023, www.designboom.com
www.eness.com
- « MIT's 'harness the heat' is thermally active urban furniture to regulate city temperatures »,L. Alkhayat, 02/04/2024 , www.designboom.com
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