Parmi les techniques ancestrales japonaises* à l’honneur en Occident, il est celle du Yakisugi (ou Shou Sugi Ban), l’art de carboniser le bois.

Et non, il ne suffit pas de quelques allumettes ! 

La technique

La technique est ancienne. Elle trouve son origine dans la tentative de pêcheurs de protéger leurs maisons contre l’agression de l’ambiance marine. Nous sommes sur l'île japonaise de Naoshima, voici plus de 300 ans. Au début, seule la face externe était passée par le feu. Par la suite, la technique a évolué jusqu’à la carbonisation des planches complètes.

Les 4 étapes du traitement :

  • combustion → les planches peuvent être brûlées avant ou après leur pose sur 3 à 5 mm d’épaisseur. 
  • brossage → la couche supérieure est éliminée et, avec elle, les grosses écailles. La surface devient plus lisse. La nouvelle teinte, noire, apparaît.
  • imperméabilisation → application d’huile de cèdre pour augmenter la résistance, à renouveler tous les 15 ans pour en garantir la pérennité.
  • stabilisation → pose d’une finition de protection (scellant) pour éviter les taches sur les autres éléments.

  

L’intérêt

Le constat est sans appel et, aussi étonnant qu’il puisse paraître, la réaction au niveau des fibres (combustion de la cellulose, préservation de la lignine structurelle) améliore la durabilité du bois.

Le voici désormais :

  • immunisé contre la pourriture;
  • protégé contre les insectes, les champignons et autres nuisances;
  • très résistant à l’eau et au feu car les pores se sont rétrécis et fermés ;
  • stable, y compris pour sa couleur, grâce à sa nouvelle surface de finition en carbone;
  • et ce, dans des contextes, des régions géographiques et des conditions climatiques très diversifiés.

Comparé à des bardages en bois classiques, sa longévité est exceptionnelle. Pour peu qu’il soit bien entretenu, sa durée de vie peut atteindre les 80 à 90 ans. Il existe encore au Japon des réalisations de plus de 120 ans.

A l’origine, c’est le cèdre japonais (sugi) qui est utilisé mais d’autres essences conviennent telles que le mélèze ou le douglas et, à la limite, n’importe quelle essence pour peu que le traitement renforce ses propriétés.

Le bénéfice est tel que la méthode a traversé les siècles et fait partie intégrante de l’architecture contemporaine. Elle doit son succès actuel aussi bien à ses brillantes qualités qu’à son esthétique puissante. Les architectes sont séduits au point, pour certains, d’en faire le point d’orgue de leurs projets. Les designers ne sont pas en reste.

 

Des exemples

... à l’international car la renommée du procédé est devenue planétaire !

Bâtiments 

  

Mobilier

 

Ces techniques ancestrales mènent à un mode de production plus réfléchi où le geste artisanal prend le pas sur les cadences. La durabilité et la circularité, deux grandes thématiques d’actualité, sont au rendez-vous. L’émotion se diffuse du créateur au spectateur, à l’utilisateur.

Perpétuer de précieux savoir-faire d'ici ou de là-bas, participer à la transmission d’un inestimable héritage, n’est-ce pas un fantastique défi pour les nouvelles générations ?

 

 

* Quelques-uns de ces arts qui nous fascinent :

  • Ikebana : composition florale
  • Origami : pliage du papier
  • Furoshiki : pliage d’un morceau de tissu
  • Shodo : calligraphie
  • Kigumi (ou Kumiki) : assemblage du bois
  • Kintsugi : réparation à l’or d’un objet cassé ou fissuré
  • ... 

 

Sources : 
- « Carbonized Wood: A Traditional Japanese Technique That Has Conquered the World », Valeria Montjoy (traduction José Tomás Franco), 20/08/2023, www.archdaily.com
- « Yakisugi : l'art ancestral du bois brûlé », Philippe Mougeot, 07/03/2024 (mise à jour 13/03/2024), www.maisonapart.com
- « Du bois noir carbonisé », 23/01/2024, www.lejournaldelarchitecte.be
- « Slow uses charred wood to clad "hut-like" home in Japan » Jon Astbury, 05/02/2024, www.dezeen.com
- « Sébastien Krier, créateur de meubles en bois brûlé », Sophie Herber, 12/01/2024, www.maisonapart.com
- « ákos huber carves reclaimed wood into monolithic bench reminiscent of native totem pôles », Akos Huber, 02/03/2024, www.designboom.com
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