Aléas climatiques → Incendies, inondations, tempêtes, … Ces sujets mobilisent régulièrement et tristement la une.

Il en est d’autres plus discrets mais aux conséquences tout aussi toxiques pour les bâtiments.

En-dehors des tremblements de terre, ce sont les mouvements naturels du sol.

Donnons la parole au Docteur Troch qui, avec humour, se qualifie de Docteur Cailloux. Ce conservateur des collections patrimoniales (Université de Mons) a tweeté en 2018 : « (…) de nombreux phénomènes géologiques moins spectaculaires que les séismes ou les volcans ont un impact important sur l'environnement: affaissement naturel, solifluxion, affaissement minier, gonflement des lentilles d'argile, etc. ». Deux exemples :

Permafrost

Il existe, dans le Nord, des terres qui restent gelées en profondeur tout au long de l’année (pendant plus de deux ans consécutifs, pour coller à la définition). Ce sol porte le nom de permafrost. Les conditions climatiques extrêmes n’ont pas empêché les hommes d’y vivre, d’y construire que ce soit pour le logement, l’exploitation minière, le transport d’énergie, …

Les scientifiques et les occupants ont constaté que le sol dégèle sous l’effet du réchauffement climatique, mécanisme encore accentué par les feux de forêt. Si le dégel de la surface était normal, celui des zones profondes l’est beaucoup moins. D’un côté, le phénomène nous permet de découvrir des vestiges de temps anciens (équipements, animaux, …), de l’autre, il provoque l’émission de dioxyde de carbone et de méthane, de gaz à effet de serre (GES) qui ne font qu’accentuer l’élévation de la température. Un serpent qui se mord la queue !

Ce dégel est aussi à l’origine d’une modification de la résistance du sol, de sa capacité portante, de l’apparition de mouvements voire d’effondrements.

Qu’en est-il des constructions ?

C’est tout simple, les maisons s’enfoncent, se cassent, comme le montrent les tweets ci-dessous, les canalisations (pipeline, entre autres) se rompent, les voiries deviennent inutilisables ! (l'article se poursuit sous les tweets)

 

Le problème est si grave et les conséquences si dommageables que le Gouvernement russe a décidé qu’un système de monitoring était indispensable. D’ici 2025, 140 points de surveillance seront mis en place en Arctique afin d’évaluer l’évolution des déformations dues au dégel.

En Suède, les chercheurs estiment que le mode de vie des populations locales devra changer et que ces espaces vont connaître une désertification progressive (± 60 % en moins d’occupation d’ici 2050).

Les enjeux ne sont donc pas uniquement climatiques et économiques, ils sont aussi humains, culturels et il est grand temps d’y penser.

 

Argile

Vous dites ? Le permafrost n’est pas courant sous nos latitudes. Bien vu ! Mais nous ne sommes pas pour autant épargnés. C’est juste différent. L’alternance de séquences de pluies intenses et de sécheresses n’est pas sans influence sur nos sols argileux. Les scientifiques en sont bien conscients et des recommandations ont été émises.

Concrètement, que se passe-t-il ?

Ces sols, dits plastiques ou sensibles, se gonflent avec la pluie et se rétractent avec la sécheresse. C’est un phénomène naturel, normal, saisonnier qui, jusqu’à présent, n’avait pas posé trop de problèmes bien qu'il soit aggravé par :

  • la présence de végétation (ou son arrachage) ;
  • le type de fondations : semelles filantes ou radier (plus stable);
  • la construction elle-même (sol plus sec en son centre).

Les aléas climatiques l’ont juste intensifié. Désormais, l’ampleur des mouvements crée des tensions dans les fondations au-delà des limites acceptables. Le bâtiment se fissure, plus ou moins fort. Les dégradations consécutives au « plus » peuvent aller jusqu’à rendre les lieux inhabitables. Un fameux préjudice !

Pour les nouveaux bâtiments, des mesures préventives sont d’application sous forme de recommandations ou d’obligations selon les pays.

En France, par exemple, en 2018, un décret (loi Elan – 2018-1021 du 23/11/2018 – article 68) a rendu obligatoires les études géologiques préliminaires pour les maisons individuelles que ce soit à la vente d’un terrain à bâtir ou à la construction en zone considérée comme à risque. En Belgique, elles sont vivement conseillées ainsi que le recommande le CSTC.

Toujours en France, l’Agence Qualité Construction (AQC) a émis une fiche technique sur les « Mouvements de fondations de maisons individuelles » et l’Université Gustave Eiffel (anciennement IFSTTAR) un guide technique traitant du « Retrait et gonflement des argiles ». Le Service géologique national a dressé une nouvelle carte de « l’exposition au retrait-gonflement des argiles (RGA) » qui montre que quasi moitié de la France est à considérer comme zone d’exposition moyenne à forte.

 

Pour les bâtiments existants, c’est une autre histoire car la plupart du temps aucune précaution particulière n’a été prise à la construction. Il faut tout d’abord les surveiller. Si le monitoring montre une évolution intolérable de la situation, il ne reste qu’à tenter la stabilisation puis la réparation avec des interventions complexes et coûteuses ou, en situation extrême, le déclassement.

 

 

Sources :
- « Mapping the People, Places, and Problems of Permafrost Thaw », J. Besl, 21/04/2021, eos.org
- « About 140 permafrost thaw monitoring points to appear in the Arctic by 2025 », 30/11/2021, arctic.ru
- Tweet, Dr Kevin Troch (Gestionnaire des collections patrimoniales et conservateur du musée - UMons), 17/06/2018, www.twitter.com
- « Fissuration dans les bâtiments due au retrait ou au gonflement des sols plastiques », A. Van der Auwera (ing., conseillère, division Avis techniques - CSTC) & N. Huybrechts (ir., chef de la division Géotechnique - CSTC), CSTC-Contact 2018/3 (Les Dossiers du CSTC 2018/3.2), www.cstc.be
- « Mouvements de fondations de maisons individuelles 2° partie : mouvements exceptionnels en sols sensibles », qualiteconstruction.com
- « Retrait et gonflement des argiles - Protéger sa maison de la sécheresse - Conseils aux constructeurs de maisons neuves », IFSTTAR, juillet 2017, www.ifsttar.fr
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