L’impression 3D offre de multiples débouchés dans l’art et la construction mais l’impression 4D, avec ses des matériaux dits intelligents et dynamiques, est une technologie encore plus innovante et prometteuse. 

I Do 

Bienvenue chez I Do, une galerie d’artistes à Wuhan (Chine). L’expérience immersive qu’elle propose tire son originalité aussi bien de l’environnement scénographique que des œuvres exposées. Pourtant ici, pas de réalité virtuelle, juste des technologies de pointe associées à une créativité étourdissante.

Fondée par Mo Zheng et Martin Miller, l’agence internationale AntiStatics Architecture s’est spécialisée en architecture et design créatif. Elle ose recourir aux outils numériques et technologies high-tech pour développer des projets conceptuels innovants tel que celui de la galerie I Do. Elle a travaillé pour et avec le peintre-sculpteur Yue Minjun afin d’imaginer cet espace unique où fusionnent l’art, l’architecture et la technologie.

L’éléphant de Yue Minjun, puissant symbole de paix en Chine, surgit de la façade dans une rue urbaine animée. Il semble inviter les passants à découvrir la galerie où les accueille une atmosphère apaisante et lumineuse. L’habillage de l’espace intérieur évoquera pour les uns les stratifications rocheuses d’une grotte, pour d’autres l'ondoiement des vagues ou encore le rythme de vibrations sensorielles. Les formes fluides intégrant des bandeaux de led organisent un espace cocoon et organique grâce à un assemblage de panneaux de rubans. Ils sont réalisés en Glass Reinforced Gypsum (GRG), c’est-à-dire un mélange de fibres de verre à haute résistance et de ciment de gypse à haute densité, plus léger que des éléments classiques de plâtres fibreux et dont le coffrage a été fraisé par robot.

Et l’impression 3D ? Ne vous y trompez pas … Ce ne sont pas les panneaux mais l’éléphant surmonté de deux personnages entrelacés, une œuvre sculpturale de 9 mètres de hauteur qui se développe à travers les étages. Dans ce travail à grande échelle, l’artiste a fait appel à l'impression de cire en fabrication additive pour réaliser des moules qui seront utilisés à fonte perdue pour couler les 9 tonnes de ces structures en acier inoxydable. 

 

Swell4D

Restons dans l’art avec la jeune designer israélienne Ayelet Kimchi (pour laquelle le net ne révèle que peu d’information professionnelle). Dans le magazine en ligne designboom, elle rapporte les résultats de sa recherche expérimentale Swell4D à propos de contenants imprimés en 3D à partir d’acide polylactique, un bioplastique compostable. Elle les souffle ensuite comme s’ils étaient en verre et obtient des formes organiques inattendues. Différentes formes et structures ont été testées, y compris avec un cloisonnement intérieur.

Le processus artisanal produit des formes aléatoires, différentes de celles répétitives garanties par la seule impression 3D. Elle a donc testé également leur reproductibilité alors que formes et cloisons varient et ce, grâce à un modèle paramétrique dans Grasshopper, une application logicielle d'algorithme graphique.  

 

4D

Le projet d’Ayelet Kimchi est une transition douce vers l’impression 4D puisque le matériau est déformé par la designer après impression. La différence avec une réelle impression 4D ? La nature du matériau et la notion de temps.

Quand les propriétés des matériaux utilisés pour l’impression les rendent « intelligents », ils deviennent « actifs ». C'est la marque de fabrique de l’impression 4D, un sujet d’étude de prédilection pour les chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) dont ils perçoivent tout l’intérêt dans de nombreux domaines, y compris la construction.

Ces objets imprimés se transforment, se déforment ou se déplacent en réaction aux stimuli appliqués (chaleur, lumière, humidité, pression, champ magnétique, ...) en fonction de leur composition. Ils changent de forme, de dimension(s), voire de couleur. Lorsque la stimulation s’arrête, ils ont la capacité intrinsèque de revenir à la situation initiale en toute autonomie et de réitérer l’opération si le stimulus est de nouveau appliqué.

En biomimétisme, le principe est comparable à celui d'une pomme de pin qui ouvre ou ferme ses écailles suivant qu’elles doivent libérer ou protéger les graines en fonction les conditions météo. Ici, c’est un matériau qui, en fonction de ses caractéristiques, réagit dans un contexte donné sans l’intervention d’un moteur ou de robotique. Un exemple concret dans la construction ? Ce pourrait être la contraction ou la dilatation d’un tuyau de drainage selon l'écoulement de l'eau.

Par rapport aux structures et aux matériaux statiques et passifs, l’approche est révolutionnaire et les applications infinies. Voici venir des structures dynamiques qui peuvent s’autotransformer et s’adapter dans un contexte donné sans qu’une intervention ne soit nécessaire. Alors que ces recherches n’en sont qu’à leur début, gageons que cette technologie nous réserve encore de belles surprises !

 

Une variante : le tricot 3D  

Nous sommes toujours dans l’impression additive et la commande numérique mais la différence réside dans la façon dont les couches se superposent. Dans cette technique, pas de ruban uniformément plat, le mouvement de la (ou des) tête(s) d’impression génère un tissage ou un maillage suivant la programmation définie. La technique est restée très confidentielle, une application de niche principalement réservée à la haute couture. L’apparition de nouveaux fils dits eux aussi “intelligents” et l’amélioration des machines ouvrent la porte à d’autres débouchés.

Ces objets tricotés contiennent un fil plastifié et des capteurs. La fonte du fil par thermoformage permet d’ajuster au plus près le tissu de son support et d’améliorer le fonctionnement des capteurs intégrés. Une chaussette intelligente peut désormais détecter les mouvements de son utilisateur et, s’il s’agit d’un tapis intelligent, les poses d’un yogiste avec un taux d’erreur de seulement 1%.

Le tricot 3D est une technique qui permet tant une modélisation qu’une fabrication rapide d’un objet, et ce, sans couture.

Si les prémices de ces recherches datent des années 90 au Media Lab (MIT – USA), les évolutions technologiques tant au niveau des matériaux, des équipements que des “assemblages” offrent de nouvelles opportunités dans un premier temps imaginés pour le secteur médical ou sportif mais il n’est pas interdit de penser à des applications ultérieures dans la construction, notamment en matière de sécurité et d’ergonomie.

 

 

Sources :
- « I Do Artist Store with Yue Minjun / AntiStatics Architecture », HAN Shuangyu, 25/11/2021, www.archdaily.com
- « Un éléphant conçu grâce à l’impression 3D émerge de la façade d’une boutique », Mélanie W ., 17/12/2021, www.3dnatives.com
- www.antistatics.net
- « Inflatable container series ‘SWELL4D’ by Ayelet Kimchi », Myrto Katsikopoulou (designboom), 07/07/2022, www.designboom.com
- « 4D Printing? Bridging Additive Manufacturing with Smart Materials », Eduardo Souza, 25/11/2021, www.archdaily.com
- « Tricot et impression 3D : comment les technologies révolutionnent la mode », Mélanie W. , 26/07/2021, www.3dnatives.com
- « Smart textiles sense how their users are moving », Adam Zewe (MIT News Office), 07/07/2022, news.mit.edu
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