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Formation aux métiers de la pierre en Belgique

Etat des lieux

Le secteur de la pierre représente environ 5000 emplois directs (des ouvriers carriers, des tailleurs de pierre, des marbriers,…). Ces dernières années, nous assistons à une réduction drastique du nombre d’établissements proposant ces filières de formation. Tous métiers confondus, il y a, actuellement en Belgique, 87 personnes en formation. Ceci est largement insuffisant pour couvrir les besoins du secteur. Le manque de visibilité de ces métiers auprès des jeunes semble être un élément tout à fait déterminant.

Il est communément admis que les métiers de la construction sont en pénurie, cela se sait. Ce qui se sait moins, c’est que le secteur de la pierre est également frappé de plein fouet et de manière plus cinglante encore puisque ces métiers, par manque de visibilité auprès des jeunes, ne drainent plus suffisamment de jeunes vers cette filière.  Les métiers de la pierre ne sont pourtant pas répertoriés en tant que tels comme étant des métiers en pénurie. Pourquoi ?

Une étude commanditée par le Fonds de Formation Construction (2002, Prof. L. Sels ; J. Maes, KUL).révèle que le secteur a un besoin annuel en Belgique pour couvrir les départs naturels de 150 travailleurs de la pierre par an. Tous réseaux confondus, ce sont moins de trente jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi… Or, si les employeurs du secteur mentionnent bien que la durée de temps requises pour recruter un travailleur est longue (et de fait, elle est plus longue que la moyenne), ils parviennent néanmoins à recruter du personnel. La situation est donc la suivante : 150 personnes qualifiées quitte le secteur chaque année et ils sont remplacés par du personnel peu voire pas qualifié qui sera formé « sur le tas ».

Une illustration de ceci se retrouve dans les chiffres du forem qui révèle que les demandeurs d’emploi dans le secteur sont anecdotiques.

Le paradoxe de la formation aux métiers de la pierre :

Alors que cette offre de formation devrait être développée, on constate au contraire que cette dernière se réduit d’année en année. Pour s’en faire une idée, on comparera l’offre de formation telle qu ‘elle était en 2003 par rapport à celle qu’elle est aujourd’hui.

En 2003, dix opérateurs de formation proposaient des filières de formation de base à ces métiers. En 2008, ils sont deux fois moins ! (cfr tableau infra)

Une seule initiative existe encore au nord du pays (Atheneum Herzele) ; les Aumoniers du travail à Boussu proposent encore une cinquième et une sixième professionnelle (9 personnes en formation) ; Forem Formation disposent de deux sections, l’une à Grace-Hollogne et l’autre à Braine-le-Comte. Sur cette dernière implantation, ils dispensent une formation en 6 mois. Un Centre de référence des métiers de la pierre s’est constitué sur cette implantation , il regroupe en son sein : le Centre IFAPME MBC qui développe dans le cadre du Centre de Compétence ConstruForm des formations à destination d’un public d’apprentis et de candidats chefs d’Entreprise ; le CEFOMEPI (Centre de formation au métiers de la pierre) qui développe une formation de base à destination d’ouvriers carriers ; Les compagnons du Devoir qui développent une formation d’apprentis compagnons et enfin, Forem Formation, nous en parlions à l’instant, qui forme en six mois des demandeurs d’emploi. 41 personnes suivent ainsi un parcours de formation à Braine-le-Comte (soit 72% des personnes en formation en région wallonne).

 OFFRE de formation - Métiers de la pierre en Belgique

       
  Type ens.AnnéeStatutPersonnesRemarques
 Atheneum HerzeleProfessionnel2, 3, 4,
5, 6
Actif30Cours optionnels
 Aumoniers du travail (Boussu)Professionnel5, 6Actif9 (3 et 6) 
 La Paix-Dieu (Amay)Formation Continue, sensibilisation Actifvariable 
 Forem Formation (Grâce-Hollogne)Dem. Emploi6 moisActif7 
 Valbois Section pierreFormation Continue ActifvariableTaille et pose de
pierre sèche,…
Centre de Référence Métiers de la pierre (Braine-le-Comte)Centre IFAPME MBC -
Compagnons du Devoir
Apprentissage
(15 - 18 ans)
1Actif62 apprentis compagnons
Centre IFAPME MBCApprentissage
(15 - 18 ans)
2, 3Actif7 
Centre IFAPME MBCCEPrépa,
1 et 2 CE
Actif8 (6, 1, 1)Création de la préparatoire
CEFOMEPIDemandeurs d'emploi (PFI), formation continue,… Actif11Ouvriers carriers
Forem Formation (Braine-le-Comte)Dem. Emploi6 moisActif8Passerelle vers CE
FFC (RAC)Jeunes
(18 - 25 ans)
 Actif1section Forem
 Institut Technique de Rance (CEFA)Professionnel5, 6Inactif0 
 Syntra Vlanderen (Alost)Apprentissage et CEapp et CEInactif0Développe de la
formation continue
 Institut Technique de Morlanwelz (CEFA)Professionnel5,6Inactif0 
 Athenée Royal d'Aywaille (section pierre) puis CEFAProfessionnel Fermée0fermée en 2003
 Institut Technique et Agricole  du Hainaut (Soignies)Prom. Soc. Fermée0fermée en 2004
 En orange: formation de base tailleur de pierre
  

C’était déjà le constat de la faiblesse des effectifs qui avait amené le Centre MBC et le CEFOMEPI à se rapprocher, le Forem a ensuite intégré l’équipe puis les Compagnons du Devoir. Ce partenariat entre ces différents opérateurs de formation a permis de centraliser une offre de formation, d’équiper conjointement des ateliers, d’œuvrer ensemble à l’amélioration de la visibilité de ces métiers et de proposer au secteur un programme de formation continue qui pêche lui aussi, puisque l’offre est éminemment réduite et que seuls la Paix-Dieu à Amay, Valbois et Syntra Vlanderen proposent un catalogue de formation continue.

Ces constats sont alarmants pour le secteur qui semble peiner à prendre la mesure du péril qui le guette. Dans les dynamiques trop prégnantes du tout à l’économie, des mécanismes de dérégulation prennent corps. En voulant favoriser le libre entreprendre, on combat les accès à la profession, on érode la « qualité métier », on tronque les contenus de formation. Et pourtant, à y regarder de plus près, donner les accès au terme de la qualification, à 18 ans, est-ce vraiment une mesure en faveur de l’économie ? Est-ce une mesure qui va concourir à diminuer le nombre des faillites ? En créant des « clusters » Carreleur-tailleur de pierre-marbrier ou menuisier-vitrier ou plafonneur-chapiste, favorise-t-on la transmission des « règles de l’art » ou veut-on simplement donner la possibilité à tous de faire tout (« et n’importe quoi » aurons déjà complété certains). En mettant l’accent sur la pose (c’est manifeste à la lecture des nouveaux accès) ne fragilise-t-on pas nos professionnels en devenir en rendant presque facultative la connaissance de son métier dans la multiplicité de ses facettes ? N’ouvre-t-on pas largement la porte à une concurrence étrangère qui, demain, viendra travailler sur nos chantiers de manière massive avec davantage de compétences et pour un moindre coût ? Lorsque les profits deviennent une fin en soi et non plus un moyen, il n’est pas étonnant que dans cette fuite en avant, la transmission des savoirs soit trop souvent perçue du côté du « non-rentable ».  

Or, tout secteur qui ne se fédérerait pas autour le l’importance de la transmission des savoirs arriverait rapidement dans une impasse.

Afin de favoriser cette prise de conscience, le Centre de référence pour les métiers de la pierre a mis sur pied des « tables rondes du secteur pierre » qui réunissent les intervenants-clefs du secteur pour adopter ensemble des mesures qui viseront à augmenter la visibilité des métiers de la pierre auprès des jeunes. 

Autre enjeu important abordé lors de ces réunions : les contenus de formation. Pourquoi ? D’une part parce que ces dernière décennies, le secteur a particulièrement évolué : les machines outils à commandes numériques ont fait leur apparition, les préoccupations patrimoniales ont pris un accent particulier, la taille de la pierre et la marbrerie ont évolués, des matériaux étrangers, synthétiques sont arrivés sur nos marchés. D’autre part, parce que les accès à la profession ont été récemment modifiés. Tout ces éléments rendent nécessaire un travail de réflexion sur les contenus de formation.