Veilleconstruction.be - L’éolien a-t-il sa place en ville ?

Alors que les parcs à grande puissance sont privilégiés, sur terre et, de plus en plus, en mer, il n’est pas impossible d’imaginer de grapiller quelques KW supplémentaires avec de modestes installations urbaines visant l’autoconsommation.

Ce troisième volet aborde la question des éoliennes en ville.

A l’ère de l’énergie renouvelable, que faut-il en penser ? Les modèles urbains sont-ils différents et où les installer ?

Que ce soient les toits de plus en plus convoités ou les façades, tout support est bon pour les éoliennes urbaines. Elles sont généralement petites voire très petites et, surtout, encore rares car, si elles ont connu un certain engouement, beaucoup d’entre elles ont été démontées, le voisinage les jugeant trop bruyantes. Deux profils co-existent suivant que l'axe de leur rotor est vertical ou horizontal. Leur installation nécessite d’être prise en compte dès la conception du bâtiment car elle n’est pas sans impact sur les études de stabilité. Au-delà de la charge statique supplémentaire (son poids), elle doit résister à l’arrachement et les vibrations qu’elle provoque peuvent se transmettre à l’ouvrage. Dans ces conditions, il va sans dire que la vigilance est de rigueur pour l’installation sur un immeuble existant.

En France, plusieurs startups ont travaillé sur des projets d’éolienne urbaine dont l’un des modèles est même couplé avec un panneau photovoltaïque. Pascal Poggi, journaliste spécialisé dans le secteur du bâtiment, en a analysé 3 modèles développés en France pour Batirama.

La technologie hybride de Wind my Roof

La WindBox prend la forme d’une boîte avec une embase de 4 m² à placer en toiture, à l’aplomb de la façade pour profiter au maximum du vent renvoyé par la paroi verticale. Elle abrite une éolienne de 1500 W, un système de stockage d’énergie et le dessus accueille du photovoltaïque pour 750 Wc. L’association de deux sources d’énergie complémentaires (ainsi que le couplage à une batterie) minimise les effets de l’intermittence énergétique. La startup a été créée en 2018 et, après 3 ans de développement, elle a pu lancer son produit sur le marché, un marché qu’elle vise à l’international. Une installation actuellement en test à Rouen sur le toit d’un immeuble social est en train de convaincre le propriétaire d'élargir l’installation à son parc immobilier.

La toiture technique d’Unéole

Si la la startup française Unéole propose également une solution hybride éolien-solaire, son déploiement est totalement différent. Il prend la forme d’une rehausse technique en toiture où l’éolienne, verticale, sert de support à une structure intermédiaire qui reçoit une couverture photovoltaïque. Les concepteurs présentent l’ensemble comme « une plateforme d’énergie mixte » à destination urbaine. Ils en ont fait la promotion via, entre autres, le French Tech Tour China 2019 et le CES 2020 (Las Vegas – USA) et la participation à des concours où le projet est régulièrement remarqué voire primé (Créer 2015 – France; METHA Europe 2017 – Monaco).

Le site ne présente malheureusement que peu d’informations techniques sur le projet. L’expert en énergies renouvelables, Bruno Claessens, émet des réserves sur le rendement et le retour sur investissement d’une telle éolienne, argumentant de la faible circulation d’air en toiture terrasse. Il conseille de s’assurer que le matériel répond aux exigences de la certification européenne IEC 61400-2 (même si les « petites » éoliennes couvertes par la norme sont bien plus puissantes que les micro-éoliennes présentées ici) plutôt que de faire confiance aux arguments commerciaux des concepteurs.

#EnergiesRenouvelables : L'éolienne urbaine, un nouveau moyen #écologique de production d'énergie ! #éolienneurbaine #éolienne @Uneole @LCI https://t.co/gCOu2x87fI pic.twitter.com/kY0bYSBzHD
— Demain la Ville (@Demain_la_Ville) March 21, 2018

L’élégance d’Alae

La petite éolienne Alae a été développée par la startup française E-Taranis en 2021. C’est le type même de l’éolienne individuelle, facile à monter et de faible encombrement (3 m sur 3).

Légère et polyvalente, elle se place aussi bien en toiture (toit plat ou pentu) qu’en façade et au sol à condition, dans ce cas, de rehausser le mât, en milieu urbain ou rural.

Sa puissance annoncée est de 2 kW avec une intermittence réduite car elle fonctionne par vents faibles (à partir de 10 km/h) aussi bien que forts. Le produit est livrable depuis mars 2023.

Ça déménage du côté #ETaranis 📦 📍

La jeune pousse #basque part à l'aventure avec leur éolienne #Alae, depuis #StJeandeLuz aujourd'hui 👉🏻 https://t.co/KeaHdloXXz #lowtech pic.twitter.com/wLTS46EOVu
— PresseLib' 📰 (@PresseLib) December 1, 2021

L’axe omnidirectionnel d’O-Wind

Cette dernière machine développée par la société anglaise O-Innovations présente un design des plus original en phase avec son axe omnidirectionnel qui semble plus adapté aux turbulences urbaines. Pas de pales pour cette éolienne mais une volumumétrie sphérique surprenante, hybridation audacieuse entre un ballon et un abat-jour. La différence de dimension entre les évents d’entrée, plus grands et ceux de sortie crée une différence de pression qui génère le mouvement pour optimiser sa productivité.

Le concept s’est fait remarquer lors du concours James Dyson de 2018, où l’idée a été saluée et doublement primée. Le projet est actuellement en cours de développement suite à un soutien financier du Lancashire County Council et se prépare à la commercialisation via un financement participatif (crowdfunding). Encore un peu de patience.

With the support of @A2FLancashire, #Lancaster start-up, O-Innovations secured £160,000 investment to enable them to develop their innovative wind turbine product.

O-Wind is now ready to take the market by storm.

Read more 👉 https://t.co/INtvedM5j6 pic.twitter.com/a2OJVWwKNP
— Lancashire County Council (@LancashireCC) May 19, 2023

Lever les freins

Lever les freins qu’ils soient propres à l’éolienne ou à son environnement fait partie des incontournables pour imaginer l’installation d’éoliennes en ville. Ces obstacles, quels sont-ils ?
Les machines peuvent générer des nuisances :

du bruit → le générateur, le frottement des pales dans l’air ne sont pas des plus silencieux. Une réflexion est à prévoir dès la conception pour en diminuer la pollution sonore. D’autres solutions sont possibles (elles peuvent se cumuler) telles que diminuer la vitesse de rotation, intercaler des silent-blocks entre la machine et son support.
des vibrations → la balle est dans le camp des concepteurs d’éolienne et des ingénieurs en stabilité. Ces derniers devront prendre en compte l’ébranlement saccadé que subit l’immeuble ainsi que la charge supplémentaire que constitue la machine et prévoir un renforcement structurel. Ces contraintes sont nettement plus faciles à gérer pour un bâtiment neuf que pour un existant où le risque est bien réel que le retour sur investissement devienne totalement déséquilibré.

La difficulté de positionnement n'est pas à négliger.

La puissance de ces machines reste faible, elles doivent donc être démultipliées et le plus souvent prévoir un couplage énergétique. Les tests sont donc essentiels pour garantir la conformité aux résultats annoncés, le bonus est une conformité normative quand c’est possible.
Non seulement l’énergie éolienne est intermittente, aléatoire mais, en ville, le déplacement des flux d’air subit d’importantes perturbations en fonction de l’environnement bâti. La toiture terrasse, si convoitée, n’est finalement pas nécessairement le meilleur emplacement. Les caractéristiques de l’engin doivent être adaptées à ces conditions contraignantes : axe de préférence vertical, système alternatif aux pales, augmentation du spectre d’activité (palier moins limitant pour la vitesse des vents), …

Ne pas oublier qu’il faut aussi convaincre les maîtres de l’ouvrage et investisseurs de l’intérêt de la chose, que les règlements d’urbanisme risquent de constituer encore un autre obstacle, que l’impact esthétique sera très certainement discuté et, cerise sur le gâteau, que l’effet Nimby est toujours aussi actif pour compromettre la bonne finalisation des dossiers.